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GILLES DE RAIS.

tique : on s’estime heureux aujourd’hui de voir arraché du sol un arbre qui donnait de pareils fruits de mort.

Mais si les crimes, ordinaires aux magiciens et aux évocateurs du XVe siècle, furent communs à Gilles de Rais et à beaucoup d’autres coupables, il en est qui n’appartiennent qu’au maréchal. Rien de ce que nous avons à raconter ne ressemble à ce que nous avons déjà vu : l’ombre incertaine du soir ne diffère pas plus des ténèbres de la nuit. Sans exemple comme sans imitation, ces crimes sont tels par leur nature et leur énormité, que, parmi les hommes qui ont épouvanté la terre, Gilles de Rais tient une place à part, presque sans analogie, ni avec ceux qui l’ont précédé, ni avec ceux qui l’ont suivi : « Il fallait à ces ennemis du Créateur quelque chose de plus impie encore (que les sacrifices et les offices en l’honneur du diable), le contraire de la Création, la dérision meurtrière de l’image vivante de Dieu. Cette religion du diable avait cela de terrible, que, peu à peu, l’homme étant parvenu à détruire en soi tout ce qu’il avait de l’homme, il changeait de nature et se faisait diable. Après avoir tué pour son maître, d’abord sans doute avec répugnance, il tuait pour lui-même avec volupté[1]. » Oui, le génie du mal était apparu, apportant de là-bas des crimes nouveaux, inouïs.




  1. Michelet, Hist. de France, t. V, l. c.