tobre 1438, c’est le fils de Pierre Dagaie[1] ; au mois d’août 1439, un jeune homme de vingt ans, petit de taille et blanc de figure ; en juin 1438, un enfant de Jean Doucet[2].
Comment la Meffraye faisait-elle naître une si grande persuasion ? Entre ses mains, la force était nulle ; et cependant elle ne se contentait pas de désigner les victimes à des brigands plus forts et plus audacieux qu’elle ; car elle a fourni autant d’enfants au baron que tout autre de ses familiers. La persuasion est facile quand elle est l’œuvre de la séduction. Aux enfants des campagnes, aux petits paysans, aux petites filles, elle apparaissait tout à coup, dans les champs, dans les vallées, avec un visage souriant, dans son accoutrement mystérieux[3], telle que le peuple breton, dans son imagination naïve, s’est toujours plu à représenter les fées, ces déesses du bonheur, les mains pleines d’or et de belles promesses. Elle les abordait avec bonté, parlait à leur jeune imagination par de brillantes descriptions, piquait leur curiosité par ses récits, enflammait leurs désirs par des promesses et de beaux rêves. Ces rêves, enfin, elle les leur présentait comme de douces réalités : ces biens étaient là, devant eux ; ils n’avaient qu’à faire quelques pas et à tendre la main pour les saisir. Les enfants la suivaient : mais bientôt des hommes masqués, surgissant à l’improviste des haies ou des bois voisins, les saisissaient, et tout disparaissait, enfants, ravisseurs, corruptrice. D’ordinaire, ces hommes se servaient de poches où ils enfermaient les victimes bâillonnées : le peuple les appelait les empocheurs, et ce nom renferme, aujourd’hui encore, dans les environs de Nantes, quelque chose de si terrible et de si mystérieux, que les habitants des campagnes ne le prononcent qu’avec effroi, comme celui des sorciers malfaisants, des nains et des loups-garous[4]. La Meffraye n’était pas moins