Aller au contenu

Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
GILLES DE RAIS.

et à se dire à lui-même que cet homme n’était pas de nature à reculer devant ces crimes. Il lui devint évident que la justice veillait autour des murs de ce château et que les pierres ne sauraient empêcher la vengeance d’y pénétrer quelque jour. De ce moment, il n’eut plus d’autre pensée que de s’en échapper, et le plus vite possible ; tant et si bien qu’il fit naître lui-même l’occasion de quitter Tiffauges : une querelle qu’il eut à dessein avec l’un des familiers de Gilles, nommé Robin, lui fournit un motif plausible de partir, le jour de la Toussaint 1439[1].

Il se retira à quelque distance, dans la petite ville de Mortagne, en Poitou, située, comme Tiffauges, sur un coteau pittoresque qui domine la Sèvre. Deux lieues au plus le séparaient de Tiffauges, dont il pouvait même apercevoir au loin les hautes tours et le donjon, qui se dressaient tout au fond de la vallée de la Sèvre : il était difficile de choisir un meilleur poste d’observation pour surveiller ce qui adviendrait ; en même temps, il était admirablement placé pour recueillir toutes les nouvelles et tous les bruits que le vent apportait de Gilles et de ses compagnons. Il était descendu chez un hôtelier nommé Bouchard Ménard, près duquel il demeura environ sept semaines sans sortir de la ville. C’était en vain que Gilles lui écrivait de revenir le voir à Tiffauges, que le motif de son départ était déraisonnable et que l’œuvre de Prélati allait à merveille : le prudent malouin n’avait garde de se rendre à ces invitations, quand, un certain jour, il arriva jusqu’à lui des nouvelles, qui l’auraient raffermi dans son dessein, s’il avait été chancelant.

Un soir descendit chez son hôte un voyageur, qui arrivait de Nantes par la route de Clisson : il se nommait Jean Mercier, châtelain de la Roche-sur-Yon, au diocèse de Luçon. Le repas réunit les convives à la même table. Tout en causant avec le

    fo 380, vo. Henriet affirmait qu’il avait « ouï dire à maistre Blanchet que celuy sire ne pouvait faire ce qu’il avait entreprins sans donner pied, jambe ou aultre membre desdictz enfants au dyable. »

  1. Proc. ecclés.. Conf. de Blanchet, p. lxxv.