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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/281

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GILLES DE RAIS.

témoins, ni l’envoi de commissaires et de procureurs spéciaux dans toutes les parties du diocèse, ni tous les devoirs qui lui incombent en raison de son triple devoir de juge, de pasteur et de père, rien n’est omis ; la voix de l’amitié, l’éclat de la puissance ne l’arrêtent pas[1] ; en l’espace de quelques mois, toutes les pièces à l’appui de l’accusation sont réunies ; le coupable est arrêté ; à partir de ce moment, le juge siège presque tous les jours à son tribunal, et, sans se laisser plus toucher par les menaces que par les larmes du coupable, il déchire impitoyablement le voile épais qui recouvre huit années de crimes, sans vouloir s’arrêter qu’il n’ait rempli tout son devoir et vengé Dieu, la foi, la nature, la faiblesse. Car l’indulgence envers les coupables est une trahison envers l’innocence.

Cette énergie toutefois à poursuivre le crime n’a rien de farouche, et la rigueur inflexible du juge est tempérée par la compassion du prêtre. Rien ne saurait lui arracher ce grand coupable ; mais il tâche d’amollir cette nature endurcie et de transformer par un sincère repentir cette âme défigurée par le mal. Le salut du coupable compte pour beaucoup dans sa sévérité et l’adoucit par une charité manifeste ; il frappe le criminel, mais pour l’amener à repentance ; le meurtrier mourra converti à Dieu et à la vertu, s’il ne tient qu’aux exhortations et aux prières de son juge. Aussi, quand, dans le cours de ce procès, l’accusé, de hautain et de dédaigneux qu’il a paru dans les premiers jours, se fait humble et soumis, et que du rocher jaillissent tout à coup les larmes ; quand Gilles tombe à genoux, demandant pardon et miséricorde, le prêtre prend la place du juge, le relève, panse ses plaies, lui rend, au nom de la sainte Église, place parmi les fidèles, en le rétablissant par une sentence solennelle dans la pleine possession de ses privilèges perdus. Quand plus tard encore, à la veille de sa mort, après avoir confessé ses péchés au tribunal de la Pénitence et avoir reçu la sainte

  1. Loc. cit.