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L’ACCUSATION.

encore respectable que celle du prince, et encouru par conséquent le crime de lèse-majesté divine ; qu’il a contrevenu aux préceptes du Décalogue et aux lois de l’Église ; qu’il a semé parmi les fidèles chrétiens une erreur des plus dangereuses ; qu’enfin il s’est rendu coupable de crimes aussi énormes que honteux, dans les limites où s’exerce la juridiction de l’évêque de Nantes (art. XLIX).

Aussi, le promoteur supplie les juges de rendre sur cette cause un jugement définitif et de déclarer Gilles de Rais deux fois coupable et deux fois excommunié, avec toutes les peines déterminées par la loi : d’abord comme évocateur des démons, hérétique et apostat ; et ensuite comme sodomite et violateur des immunités de l’Église ; il demande qu’il en soit puni et corrigé selon les prescriptions du droit et les décisions des saints canons et il implore humblement pour lui-même l’évêque de Nantes et le vice-inquisiteur. Car tout ce qu’il vient de dire, il l’a dit en bonne forme et conformément au droit, autant du moins qu’il lui a été possible et qu’il en avait l’obligation rigoureuse : il ne demande maintenant que d’être admis à faire la preuve de ce qu’il avance, et il le fera, il le promet, sans longueur ni superfluité ; « ne se réservant que le droit d’ajouter, de corriger, de changer, de diminuer, d’interpréter, de mieux rédiger et de produire de nouvelles choses, s’il est nécessaire, en temps et lieu convenables. »

Deux choses surtout sont à remarquer dans ce long réquisitoire : d’abord, il n’y est jamais parlé d’alchimie, ce qui prouve qu’on ne faisait pas un crime à Gilles de Rais de l’avoir pratiquée ; ensuite l’accusateur, en demandant à la fin l’application des peines dues à ces crimes, retranche tout ce qui a trait aux tortures et aux meurtres de ses victimes : preuve que ces crimes n’étaient pas du ressort du tribunal ecclésiastique et relevaient directement du chancelier de Bretagne. Apostat, relaps, évocateur des démons, sodomite, et violateur des immunités de l’Église, voilà ce qu’est l’accusé aux yeux du promoteur : sur ces crimes particuliers seule-