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GILLES DE RAIS.

comparu, le 18 septembre, devant Jean de Touscheronde et Jean Thomas ; quatre autres furent entendus le 24 du même mois ; trente-deux, le 28, le 29 et le 30 septembre ; vingt, le 4 octobre ; deux, le 8, et quinze enfin, le 10 du même mois ; et telle était la « complaincte lamenteuse » de ces témoins, selon le mot énergique du procès civil, que les interrogateurs en étaient émus de pitié et pleuraient avec eux. Ces enquêtes et ces informations avaient été faites par le commandement du duc de Bretagne. Quand les parties intéressées virent que la justice séculière elle-même prenait enfin leur défense, elles élevèrent de tous côtés la voix, « suppliens doloreusement lesditz complaignans o (avec) grand pleours et clamours de ce raison et justice leur estre faicte selon l’exigence des cas[1]. »

Devant la justice civile, l’accusation porta sur deux points principaux : les rapts d’enfants et les meurtres commis sur eux ; les violences exercées sur le capitaine de Saint-Étienne-de-Mer-Morte et sur les autres officiers du duc de Bretagne : « Combien que du commandement de Dieu et de sa loi, dit le procureur, il est défendu de non estre homicide de son presme et semblable, aincois ait commandé l’aymer comme soi-mesme, ce néantmoins celui sire a pris et fait prandre plusieurs petits enfans ; non pas seulement dix ne vingt, mais trente, quarante, cinquante, soixante, cent, deux cents et plus ; et tant que bonnement l’on ne pourroit faire la déclaracion en nombre..... les a meurtriz et fait meurtrir, et occire inhumainement et mis à mort ; et après, avoir faict ardre leurs corps et convertir en cendres. » Après avoir exposé le récit de sa révolte contre le duc, son suzerain, et de ses violences sur les officiers de Jean V, le procureur concluait enfin en demandant un arrêt de mort contre Gilles et la confiscation de tous ses biens au profit du duc de Bretagne : on le voit, tout en prenant en main la cause de Dieu, de la justice et de la faiblesse, comme le dit Mézeray,

  1. Enq. civ., p. cxvii à cxliv ; Proc. civ., fo 366, ro.