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LE PROCÈS CIVIL.

Jean V n’avait garde d’oublier ses intérêts particuliers.

Le maréchal reconnut qu’il avait, en effet, levé une troupe armée sans la permission du duc, son souverain ; les mauvais traitements qu’il avait fait subir à Jean Le Ferron à Saint-Étienne-de-Mer-Morte et à Tiffauges, et enfin son refus réitéré de réparer ses offenses envers le duc : « Il serait heureux, dit-il, d’en faire aujourd’hui à sa volonté et ordonnance ; » mais il nia obstinément les excès commis sur les officiers du duc de Bretagne et sur les enfants. En présence de ces dénégations, le procureur demanda à fournir ses preuves, et pria Gilles de vouloir bien s’en rapporter à ses serviteurs Henriet et Poitou : « Je ne recevais dans ma maison et à mon service, répartit Gilles, que des gens honnêtes : si je les avais connus mauvais, j’aurais été le premier à y mettre la main : je n’ai pas à débattre ici qu’ils soient témoins ou non[1]. » Sur ces paroles, l’on conclut à son assentiment.

Tout ceci se passait devant les juges civils, dans le même temps où, par ses emportements et ses violences, il outrageait si insolemment ses juges ecclésiastiques. Enfin, le 19 octobre, comme nous l’avons vu plus haut, par délibération entre « les assesseurs, les avocats et autres personnes sages », la torture fut décidée. Gilles, poussé à bout, se soumit, fit des aveux complets à Pierre de l’Hospital et s’en rapporta complètement à ses juges. En même temps, Henriet et Poitou par leurs déclarations, corroboraient ses propres aveux. Remarquons ici en passant que trois coupables seulement comparurent devant le tribunal civil : Gilles, Henriet et Poitou, alors que devant les juges du tribunal ecclésiastique avaient été cités Eustache Blanchet et François Prélati. Mais, comme par la nature de leurs fautes et leur caractère ces deux derniers relevaient seulement du for de l’Église, la cour séculière ne fut jamais mêlée à leur procès. D’ailleurs, il n’apparaît nulle part que les autres complices de Gilles, même ceux qui étaient en prison, comme la Meffraye, aient

  1. Proc. civ., fo 369, ro, 1 à 372, vo.