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GILLES DE RAIS.

en parlant de sa première jeunesse, gracieux, pétulant, d’un esprit vif et enjoué, mais faible et frivole. » Voilà dans leur ensemble tous les traits que l’histoire nous a laissés de la personne et de l’esprit de Gilles de Rais : taille majestueuse, bonnes manières, figure séduisante, esprit vif et curieux, versé dans les lettres et dans la religion ; ce qu’il faut, en un mot, pour plaire aux hommes et s’attirer leur estime[1].

Il mourut à l’âge de trente-six ans, dans toute sa vigueur, après avoir éprouvé ce que la fortune offre aux particuliers de plus grand et de plus heureux, et avoir montré aux hommes ce que la perversité peut enfanter de plus cruel et la corruption de plus effrayant. Presque toutes ses actions, dans la vie privée, ont été bien au delà du vraisemblable, jusque-là que plusieurs les ont prises pour des inventions du conte et de la légende ; dans la vie publique, ses exploits ont eu l’éclat des plus grands, à ce point qu’il aurait pris sa place parmi les héros célèbres de son temps, s’il avait eu plus de sagesse et moins de passions. Ce qui pervertit ce naturel, riche en dispositions heureuses et en qualités aimables, fut l’indépendance absolue où il entra vers l’âge de vingt ans. Cet homme est un exemple frappant des dangers de la liberté et de la richesse, lorsqu’on les obtient dans le jeune âge et que l’on porte en soi le germe de toutes les passions. La principale, celle qui fait l’unité puissante de cette vie, fut l’ambition. Il avoue lui-même, et ses complices reconnaissent avec lui, qu’il n’eut jamais qu’un seul désir, celui de la grandeur, à qui la science, l’or et la puissance, donnent tout son

  1. Des portraits de Gilles de Rais, il n’existe que deux aujourd’hui. Le premier, qui remonte peut-être au xve siècle, se trouve dans les Antiquités françaises de Dom Montfaucon : Gilles y est représenté en guerrier. Malheureusement les traits du visage sont bien imparfaits. Ce que ce portrait a de curieux consiste dans les détails de l’armure. Gilles est représenté à cheval, couvert de toutes ses armes de bataille, l’épée à la main, s’élançant à l’ennemi ; son casque balance un plumet ondoyant ; le cheval est caparaçonné aux armes de Rais et de Laval. Antiq. franç., t. III, p. 277.

    Le second fait partie de la fameuse galerie des maréchaux de France, à Versailles. C’est une œuvre moderne et d’imagination. Il fut peint par Féron et gravé par Lerouge.