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GILLES DE RAIS.

Carrier, de cette folie lucide que l’on ne renferme pas et dont on punit justement de mort les crimes dont elle est la source ; mais non pas de cette folie qui enlève, avec la conscience, la liberté du crime, excuse devant les hommes et rend non responsable devant Dieu. Comment Dieu l’a jugé, nul ne saurait le dire ; mais à tout le moins a-t-on le droit d’affirmer que s’il l’a regardé avec les mêmes yeux que les hommes, il l’a trouvé bien coupable et jugé bien sévèrement. Il est impossible, en effet, de se méprendre sur le sens droit de Gilles de Rais, quand on parcourt les pages de son procès. Partout, les aveux sont sensés ; nulle part, la trace de cette extravagance, qui dénote le trouble de la raison et qui le prouve ; ni ses complices, ni ses défenseurs, ni lui-même n’ont pensé à ce moyen de défense, si facile pourtant et, par sa nature, si inévitable et si sûr, lorsqu’il offre quelque apparence de vérité. Aussi, le tribunal n’a point à discuter une pareille excuse : sur ce point, juges, témoins, accusateurs, complices et coupables, montrent un tel accord, qu’il n’y a pas lieu à la moindre méprise. On ne peut admettre qu’à la pensée du déshonneur qui allait rejaillir de sa condamnation et de sa mort sur les maisons de Laval, de Craon, de Montmorency et de Rais, sa famille en larmes n’aurait pas songé à ce moyen infaillible d’échapper à l’infamie ; on ne peut croire, qu’à défaut de sa famille, aucun de ses amis n’eût essayé de le sauver de la honte et de la mort. Une telle supposition est rendue inadmissible à la fois par les débats du procès, par la nature même des faits, par la douleur de sa famille et de ses amis. Ni le dauphin, ni Richemont, ni le roi, ni le duc, ni aucun des seigneurs de l’époque ne réclamèrent contre son arrestation : preuve évidente qu’il était à leurs yeux autre chose qu’un maniaque dangereux. Fou, il fallait, non le tuer, mais l’enfermer ; et, s’il avait été victime d’une justice sans formes, on devait au moins venger sa mort en réhabilitant sa mémoire. Mais non ; si, au rapport de Monstrelet, « pour la mort dudit seigneur de Raiz, grand partie des nobles dudit pays de Bretagne, et spécialement