Aller au contenu

Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/385

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
362
GILLES DE RAIS.

Sillé, Roger de Bricqueville s’était enfui avant l’arrestation du maréchal, son complice et son maître. S’il s’était éloigné de Gilles, c’est évidemment qu’il avait entrevu l’abîme où devait fatalement aboutir la voie où il marchait. Que sa fuite ait été commandée par ses propres réflexions ou qu’elle ait été l’effet des menaces de la justice, il ressort manifestement des documents du procès qu’il était loin de la Tour-Neuve et du Bouffay, lorsqu’on y jugea ses compagnons de crimes et de débauche. Il était, certes, bien naturel qu’il se tînt à l’écart de ces grandes assises, au moment où son nom ne pouvait manquer d’être prononcé parmi ceux des plus coupables. Mais, dans sa retraite, il prêtait une oreille attentive à ce que la voix publique lui apportait de Nantes : un jour il entendit le bruit des accusations portées contre lui par Gilles lui-même, les complices et les témoins. Il en fut épouvanté : car il savait qu’en ces temps, non moins qu’aujourd’hui, la justice ne s’endormait pas et qu’un jour ou l’autre elle pouvait ressaisir sa proie pour la livrer au bourreau. Dans sa frayeur, il ne connaissait plus le repos : sans cesse effrayé par la conscience de ses crimes et par le souvenir du châtiment, qu’ils avaient attiré sur ses anciens compagnons, malgré les années qui l’en séparaient, il redoutait le même sort. Dans cette extrémité, il rechercha et fit employer tous les moyens nécessaires pour obtenir sa grâce.

Il paraît qu’il était bien vu dans la famille même de Gilles de Rais ; car dans une lettre à son frère Olivier, du 22 mai 1449, nous voyons que Prégent de Coetivy, marié à la fille unique de Gilles, le prie de le rappeler au souvenir de Roger de Bricqueville[1] : Marie de Rais elle-même entourait de toutes ses affections les propres enfants de ce misérable, qui avait tenu entre ses mains le sort et les domaines de la jeune fille. Mais ce n’était point assez ni pour la sécurité ni pour la tranquillité de ses jours : seules, des lettres de rémission, émanées de la main même du roi, pouvaient le mettre à

  1. Marchegay, Documents relatifs à Prégent de Coétivy, p. 30.