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GILLES DE RAIS.

de Montjean. Pendant les tentatives infructueuses de son aïeul, Gilles avait grandi ; il avait seize ans passés ; le mariage pouvait donc se conclure sans retard[1]. Déjà le jeune baron avait signalé son courage dans les armes, en prenant une part active à la grande lutte qui termina les querelles séculaires des Montforts et des Penthièvres ; il avait été comblé des éloges et des largesses du duc de Bretagne ; l’éclat de sa haute fortune avait brillé aux yeux de toute la contrée par un luxe inouï : la main de Catherine lui fut facilement accordée et le mariage se célébra le dernier jour de novembre 1420, quatre mois après les événements militaires auxquels nous venons de faire allusion[2], et pendant lesquels il avait jeté les premiers fondements de sa réputation militaire.

Car Gilles de Rais, presqu’au sortir de l’enfance, était entré dans sa vraie voie, d’où le vice seul le fit sortir un jour. Poussé vers la carrière militaire par un goût très vif des armes, auquel Monstrelet a rendu hommage, il y était encore porté par les gloires et les souvenirs de sa famille. En excitant les premières ardeurs de sa valeur naissante, les exploits de Brumor et de Du Guesclin donnaient un modèle à son ambition ; car son désir était, en les égalant, de surpasser ce qui avait paru de plus renommé dans la guerre à cette époque si troublée par des luttes gigantesques et séculaires. Tout à coup, aux bruits de trahison et de félonie, en 1419, l’ancienne querelle des Montforts et des Penthièvres, qu’on croyait éteinte, mais qui n’était qu’assoupie, se ralluma : ce fut avec un enthousiasme, échauffé encore de toute l’ardeur d’un sang bouillant, que Gilles en accueillit la nouvelle et se jeta, sur les pas de son aïeul, dans la guerre qui venait. d’éclater.

On sait quelles causes, près d’un siècle auparavant, avaient amené la rivalité des deux puissantes maisons, et ce n’est

  1. Il n’avait donc pas 14 ans, comme le dit M. Vallet de Viriville : « Dès qu’il fut en âge, à quatorze ans, il épousa Catherine de Thouars »
  2. M. Vallet de Viriville fixe à tort cette date à l’année 1418.