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LA TUTELLE DE JEAN DE CRAON.

raison, qu’au gré de leurs capricieuses natures. Il se pliait à toutes leurs volontés, et, par ses faiblesses dangereuses et coupables, il se préparait ce grave reproche, qui, dans la bouche de Gilles, renferme un si haut enseignement : « Pères et mères, qui m’entendez, gardez-vous, je vous en supplie, d’élever vos enfants avec mollesse ! Pour moi, si j’ai commis tant et de si grands crimes, la cause en est que, dans ma jeunesse, l’on m’a toujours laissé aller au gré de mes volontés[1] ! »

Le premier souci de Jean de Craon, nanti de la tutelle de ses petits-fils, paraît avoir été de marier Gilles. Il fut fiancé dès l’âge de treize ans, le 14 janvier 1417, avec Jeanne Peynel, fille de Foulques Peynel, seigneur de Hambuie et de Briquebec ; mais la mort ravit bientôt la jeune fille, et Jean de Craon fut obligé de porter d’un autre côté ses regards[2]. Dès le 28 novembre 1418, un second contrat de mariage entre Gilles de Rais et Béatrix de Rohan, fille ainée d’Alain de Porhoet, fut signé à Vannes, en présence de tout ce que la Bretagne, renfermait de plus illustre par le nom et par la naissance  [3]. Mais avant d’avoir pu être réalisé, ce nouveau projet fut aussi rompu par la mort de la jeune Béatrix. Ce double insuccès ne découragea pas le vieux seigneur de Champtocé. Sur les limites du Poitou et de la Bretagne s’étendaient de riches domaines, limitrophes des futures possessions de Gilles de Rais. C’étaient, aux confins de la Bretagne et de l’Anjou, la puissante et riche baronnie de Tiffauges ; Pouzauges, du côté de la mer ; Savenay, aux bords de la Loire ; et, plus avant vers le midi, Confolens, Chabanais et maintes autres terres d’une grande richesse. Tous ces domaines allaient bientôt passer aux mains d’une fille unique, Catherine de Thouars, âgée comme Gilles d’environ seize ans. Elle était fille de Miles de Thouars et de Béatrix

  1. Pièces justificatives, p. XLVIII, XLIX, LVIII.
  2. Cartulaire des sires de Rais, no 17.
  3. Bibl. Nat., Fonds français, 22310, fo 97. Dom Morice, Mss, de Nantes, 1808, fo 113.