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SA FEMME.

guerre les séparèrent, car Gilles passa les plus belles années de sa jeunesse dans les camps : ce furent les plus douces encore pour Catherine. Au moins, durant ces années, le maréchal se couvrait de gloire au service de la patrie et le sort de sa femme ressemblait à celui du plus grand nombre de ses compagnes et de ses amies. À cette époque il avait encore confiance en elle et il revenait à Catherine de gérer, dans l’absence de son mari, l’immense fortune commise à ses soins.

M. Paul Marchegay se rappelle avoir lu, dans un document dont il n’a pu retrouver la trace, qu’elle fut chargée, vers ces temps-là, de surveiller et de conduire les réparations du château de Champtocé. Ce fait nous indique quel fut souvent au moyen âge le rôle important des femmes dans les grandes maisons. À l’époque des Croisades et de la guerre de Cent ans, comme les seigneurs étaient souvent entraînés loin de leurs domaines par les hasards de la guerre, c’était ordinairement aux femmes que passait l’administration de la fortune seigneuriale. De la bonne ou mauvaise gérance de ces biens dépendait l’avenir de la maison, et souvent, pendant que le mari moissonnait la gloire au dehors, l’on vit une femme intelligente accroître au dedans la richesse, comme il s’en trouva aussi, ou peu capables ou de mœurs légères, qui ruinèrent, par des dépenses folles, une fortune entamée déjà par les besoins ou les plaisirs du mari. Aux femmes appartenait donc de passer les traités, de faire rentrer les revenus, de signer les contrats ; d’où leur rôle souvent prédominant au sein de la famille. De l’importance de cette mission, qui avait sa source dans la nécessité des circonstances, à la préoccupation de mettre les femmes en mesure de s’en bien acquitter, la conséquence était logique et inévitable. Aussi voyons-nous que l’éducation des filles fut le plus grave et le meilleur souci des grandes maisons, à cette époque où la femme, après la gloire, était tout pour un chevalier. Il suffit, pour montrer ce que furent certaines d’entre elles, de nommer les plus célèbres, les deux Jeannes de Blois et de Mont