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GILLES DE RAIS, BARBE-BLEUE.

cistes bretons, angevins et poitevins. Sous tous les noms qu’ils donnent, il s’agit toujours du même personnage, de Gilles de Rais, né en Bretagne, possesseur de riches domaines en Anjou et en Poitou, et seigneur très redouté dans chacune de ces trois provinces.

Ce témoignage, tiré de l’histoire, est grand assurément : car, pour aucune autre opinion, cet accord des historiens n’existe ; et dans une question, où jusqu’ici tout a paru si vague, cette précision dans le témoignage mérite une attention sérieuse de la part d’un critique. Mais, dans cette manière, l’autorité des historiens emprunte toute sa force à la tradition populaire, dont les historiens ne peuvent être que les échos. L’histoire nous a placés, pour ainsi dire, sur le cours du fleuve ; mais nous ne savons encore d’où viennent les eaux qui l’ont formé ; en le remontant, nous trouverons le cours primitif et, à l’origine, la source. C’est guidés par les indications locales, que nous pouvons aller jusqu’au lieu caché d’où sortent les premiers flots.

Cette tradition, en effet, ne peut être descendue des hauteurs dans les vallons : comme montent, le soir, vers les hautes collines les bruits confus des vallées, ainsi, des humbles foyers où elle se répète depuis des siècles, sous les yeux des vieux parents, autour du manteau de la cheminée et devant la bûche des longues veillées d’hiver, elle s’est élevée jusqu’à l’oreille de l’écrivain méditatif dans son cabinet. Prêtons nous-mêmes l’oreille à ces voix confuses qui montent de nos campagnes. Car, dans ces récits, nés de l’imagination populaire, quand le doute existe, ou même pour mieux établir la certitude, il convient d’interroger le peuple plutôt que les historiens, et d’écouter les choses qui se transmettent de père en fils, aux foyers où elles sont nées, plutôt que ce qui est renfermé dans les livres des érudits. À défaut de l’histoire écrite, ou même avec elle, il faut consulter l’histoire parlée, puisque, dans ces matières, l’histoire proprement dite ne vaut que par la tradition. Les vieux du peuple, qui sont l’histoire vivante d’un pays, l’histoire orale, continuée