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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/43

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GILLES DE RAIS.

inactifs. En même temps que la politique détachait ou éloignait des Penthièvres toute puissance qui eût pu leur être favorable, une armée, qui ne comptait pas moins de cinquante mille volontaires, marchait sous les ordres d’Alain de Rohan. Au premier rang, parmi les plus puissants seigneurs, on remarquait le jeune baron de Rais, à la tête de ses propres forces et des vassaux de son grand-père. Les troupes mercenaires, levées à sa solde et entretenues à ses frais, la magnificence et la richesse de son armure, attirèrent de suite les regards sur sa personne ; regards flatteurs pour son ambition naissante, et dont il se montrera si jaloux dans tout le cours de sa vie. On vint mettre le siège devant Lamballe, qui fut poussée avec une extrême vigueur.

On se figurerait difficilement la fureur de Marguerite de Clisson et de ses enfants à cette nouvelle. Leur colère se tourna contre les infortunés habitants des campagnes : dans les terres de Jean de Craon et de Gilles de Rais, tout fut mis à feu et à sang ; les ravages, en un mot, furent tels qu’on se les figure dans une guerre civile, à une époque où les haines particulières s’exerçaient si facilement sous le couvert des haines publiques. Les pertes de Gilles et de son aïeul furent très considérables ; le château de la Motte-Achard fut même enlevé par l’ennemi[1]. Mais ces dévastations n’avaient d’autre effet que de les exaspérer contre des sujets révoltés et de les exciter à la lutte, dans l’espérance certaine que la victoire les dédommagerait amplement de ces maux. Aussi ni la violence, ni la ruse ne profitèrent à Marguerite de Clisson. Lamballe demanda à capituler ; Guingamp se rendit le 5 mars[2] suivant ; puis successivement la Roche-Derrien, Jugon, Châteaulin, Broon, qui ouvrirent leurs portes aux vainqueurs. Quand, dans la Basse-Bretagne, toutes les places fortes des révoltés furent soumises, les partisans de Jean V tournèrent tous leurs efforts contre Champtoceaux, dernier boulevard de la puis-

  1. Cartulaire des sires de Rais, no 70.
  2. P. Morice, Preuves, t. II, p. 1003, 1004, 1005.