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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/440

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TRADITIONS ORALES.

méchant seigneur. » Sur la colline enfin, qui s’élève en face du château et qui porte la petite ville de Tiffauges, est bâtie l’ancienne église de Saint-Nicolas, aujourd’hui transformée en atelier de charpentier. On y montra longtemps, dans le chœur, une pierre tombale, sous laquelle, disait-on, reposaient les sept malheureuses femmes de Barbe-Bleue. Sur cette pierre de granit, en effet, sont sculptés sept ronds d’égale grandeur : en mémoire des sept femmes du monstre, s’est hâtée de dire l’imagination populaire. La tradition a été consacrée, pour ainsi dire, par la science ; car cette pierre funéraire a été transportée au musée archéologique de Nantes : preuve nouvelle de la croyance de tous à Gilles de Rais, type de Barbe-Bleue. Non loin de Nantes enfin, sur les bords enchantés de l’Erdre, au château de la Verrière, qui appartenait à Gilles de Rais, on montre encore une petite chapelle autour de laquelle s’élèvent sept arbres magnifiques : ils furent plantés, dit-on, en souvenir des sept femmes de Barbe-Bleue ; et cette tradition a été le point de départ des preuves que Richer apporte pour établir que Barbe-Bleue est bien réellement le même homme que Gilles de Rais.

Partout il en est ainsi. Une tradition, fort ancienne, attribue à Barbe-Bleue la construction de l’aqueduc de la fontaine Bonnet, à Arton, au centre des possessions de Gilles de Rais. Une jeune fille du bourg d’Arton lui avait dit qu’elle pourrait bien l’aimer, s’il amenait l’eau de la fontaine jusqu’au bourg, situé à trois kilomètres de là ; Barbe-Bleue construisit l’aqueduc en une seule nuit. À Nantes, le petit monument expiatoire qui fut élevé par la piété de Marie de Rais, sur le lieu du supplice de son père, n’était connu et désigné que sous le nom de monument de Barbe-Bleue. Des vieillards des environs de Clisson nous ont raconté qu’en passant dans leur enfance devant ce petit édifice, leurs parents leur disaient : « C’est ici que fut brûlé Barbe-Bleue ; » ils ne disaient pas : « Gilles de Rais. » Preuve évidente que Richer, en 1820, ne lui donna pas le premier ce surnom, et qu’il existait longtemps avant lui, dans les récits et les souvenirs du peuple, où