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GUERRE DE CENT ANS.

jeune baron de Rais apportait toute la fougue de ses vingt ans, de son tempérament et de ses espérances ; le vieux seigneur de Champtocé comptait sur la victoire et sur les faveurs qu’elle donne à ceux qu’elle favorise ; ni l’un ni l’autre ne furent déçus, et le cœur de l’aïeul battra bientôt de fierté, en voyant Gilles, son plus cher espoir, marcher dans la guerre sur les traces de ses pères, et gagner, bien jeune encore, le bâton de maréchal de France dans la plus étonnante campagne de notre histoire. Il n’y a point de doute, d’ailleurs, que le jeune baron de Rais n’ait été, dès le commencement, bien accueilli du roi et des courtisans. La cour alors portait joyeusement le deuil de la patrie, et des maux qui pesaient sur la France, elle soutenait, sans trop de fatigues, la part la plus légère de toutes ; la vie facile qu’on menait à Chinon ou ailleurs, convenait aux goûts de Gilles. Il fut remarqué, recherché, choyé de tous, grâce à son nom, à sa bonne grâce, à son courage : « c’était un beau jeune homme, gracieux, pétulant, d’un esprit vif et enjoué, mais faible et frivole[1] ». Il fut surtout accepté, bien vu dans cette cour éprise d’aventures amoureuses, à cause de son luxe et de son immense fortune. Pour ses plaisirs non moins que pour la guerre, en effet, il fallait à Charles VII beaucoup d’argent, et Charles VII était pauvre ; Gilles pouvait lui en donner, car il était fort riche. Les favoris donc ne lui ménagèrent pas les caresses, et l’attachèrent si bien à la fortune du roi que, même après la disgrâce de Richemont, son protecteur et son général, même après la nouvelle défection du duc de Bretagne, il resta indissolublement lié à Charles VII et à la France.

Mais, à ce moment encore, ni le duc de Bretagne ne songeait à briser une alliance si récente, ni le connétable de Richemont ne pensait que son pouvoir fût si près d’être ruiné. Sous l’impulsion du duc et du connétable, secondés par les grands seigneurs bretons, par Gilles de Rais, en par-

  1. Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, t. I, p. 412.