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GUERRE DE CENT ANS.

d’ardeur, ne tenant compte des obstacles que pour les surmonter, et par les périls mêmes excités à les mépriser. Ils firent établir des canons sur les hauteurs voisines et battre la place sans relâche ; puis ils donnèrent le signal de l’assaut. Leur exemple excitait les soldats : à leur tête, ils escaladèrent les remparts ; Gilles de Rais arriva avant tous les autres au sommet, où le premier ennemi qu’il rencontra fut le capitaine Blackburne, qu’il tua de sa propre main. En voyant leur chef tomber, les soldats anglais déposèrent les armes, et la place fut prise.

Cet exploit couvrait de gloire les jeunes vainqueurs, et, conséquence d’un succès plus avantageuse encore que le succès lui-même, ouvrait la route du Mans. Une attaque fut décidée contre cette place importante. La Hire et plusieurs autres capitaines vinrent se joindre à Rais et à Beaumanoir ; les habitants étaient pour eux ; ils entrèrent par leur connivence dans la ville. Mais ils la perdirent presque aussitôt par leurs fautes ; ils furent repoussés par Talbot et rejetés sur le Lude. Ces combats et ces succès avaient prolongé la lutte jusqu’en 1428. Mais, malgré ces brillants efforts, les Anglais, qui avaient pour eux presque toutes les ressources de la France et toutes celles de l’Angleterre, avançaient toujours dans leurs conquêtes ; la digue qu’on opposait à leurs flots était trop faible pour résister bien longtemps. Pontorson et Laval étaient tombés aux mains des ennemis ; Mehun-sur-Loire s’était rendu quelques jours après ; Beaugency, effrayé, avait ouvert ses portes ; Jargeau avait suivi de quelques jours ; Orléans, enfin, était assiégée depuis plusieurs mois. Serrés de près, ses défenseurs voyaient venir le moment où ils ne pourraient plus tenir tête à l’ennemi ; sur toute la ligne de défense, en un mot, les Français ressemblaient à ces populations effrayées, qui, dans le débordement d’un grand fleuve, courent et s’agitent en vain devant le flot qui les chasse, engloutissant peu à peu sous ses eaux et champs fertiles et demeures délaissées. Charles VII ; découragé, songeait à se replier sur le