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GILLES DE RAIS.

seurs, à un petit nombre près, avaient été atteints par les projectiles ; la résistance fut cependant opiniâtre. Lorsque enfin, le capitaine, à bout de forces, vit qu’il ne pouvait plus tenir contre la fureur des assiégeants, il entra en pourparlers avec eux et se rendit prisonnier avec toute la garnison. Les Anglais furent tous mis « à finance » ; c’était, en ces temps-là, un moyen commode et avantageux de battre monnaie ; « mais ceux de la langue de France, qui s’étaient rendus à la volonté desdits seigneurs de Rays et de Beaumanoir, furent tous pendus. » On voit que leur résolution était arrêtée ; ni l’un ni l’autre n’aimaient les traîtres. Ils accordaient avec raison que l’on pouvait mourir pour la France, mais non pas l’abandonner[1].

Dès lors, Beaumanoir et de Rais ne se quittèrent plus. Unis par l’âge, les souvenirs, la nation, les travaux et la gloire, il semble qu’il y ait eu entre eux l’une de ces fraternités d’armes, si fréquentes en ce temps-là, et que Du Guesclin et Olivier de Clisson avaient rendues célèbres. On retrouve partout les deux jeunes capitaines l’un à côté de l’autre ; au siège de Montargis, auprès du connétable de Richemont et de la Hire ; de la Hire qui, pressé de monter à l’assaut, disait un jour à Dieu, les mains jointes : « Dieu, je te prie que tu fasses aujourd’hui, pour la Hire, ce que tu voudrais que la Hire fit pour toi, s’il était Dieu et que tu fusses la Hire ; » « et, dit le chroniqueur, il cuidait très bien prier et dire ; » à Ambrières[2], où les Anglais furent battus par Ambroise de Loré ; et bientôt après sous les murs du château du Lude, au bords du Loir[3]. Rude fut le siège : la garnison était nombreuse, les tours solides, les remparts presque inabordables, les Anglais munis de tous les moyens de défense, et leur capitaine, Blackburne, résolu à résister jusqu’à la mort. Mais les assaillants étaient jeunes, pleins

  1. Bourdigné, t. II, p. 155.
  2. Chef-lieu de canton, arrondissement de Mayenne.
  3. Bourdigné, t. II, p. 156. — Chronique de la Pucelle, Bibliothèque Gauloise, p. 250.