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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/62

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COMPAGNON DE JEANNE D’ARC.

du boulevard où elle a planté son étendard de sa propre main[1].

Orléans délivré, il conseille avec Dunois de chasser les Anglais des rives de la Loire, avant de se porter sur Reims[2] ; et dans un temps, où n’ayant plus rien à espérer des faveurs d’une cour sans ressources, le dévouement n’est plus égoïste, il s’impose les plus grands sacrifices pour la prise de Jargeau et la campagne de la Loire, si fort blâmée par la Trémoille et par son parti[3]. Mais l’enthousiasme est général ; les capitaines sont dans l’admiration de l’héroïne, de son adresse et de sa science militaires ; les grands prennent son panonceau ; le duc de Bretagne lui envoie des compliments et dans quelques jours lui adressera une bague et des chevaux de grand prix ; les sires de Laval, cousins de Gilles, écrivant à leur aïeule et à leur mère, protestent qu’ils la suivront : « Abandonné celui qui demeurerait ! », s’écrient-ils[4] ; le peuple la regarde et la traite comme une sainte ; pour la chanter, Christine de Pisan va ranimer son génie poétique presque éteint ; le merveilleux environne son berceau et son enfance ; les prodiges célestes accompagnent ses pas ; c’est une admiration générale que les lettres du roi, des particuliers, et les récits populaires vont semer par toute la France[5]. Gilles de Rais, par ses actes, montre qu’il a subi, comme ses cousins, la puissance de la séduction. Pour la campagne nouvelle, il lève à ses frais un corps de troupes considérable[6] ; ses cousins engagent leurs meilleures terres ;

  1. Procès, t. IV, p. 6, 43, 61, 159, 160.
  2. Perceval de Cagny affirme que Jeanne proposa elle-même de chasser les Anglais des rives de la Loire. L’auteur du Mystère du siège d’Orléans, qui s’est appliqué à rendre la physionomie du conseil tenu dans cette occasion, attribue ce même dessein au duc d’Alençon et à Gilles de Rais. Le duc conseillait au roi de s’en remettre à la conduite de Jeanne ; Gilles de Rais l’appuya fortement, assurant qu’on ne devait rien lui refuser, et qu’il fallait suivre son bon plaisir « que bel vois lui faisaient propposer. » — Mystère du siège d’Orléans, vers 17381 et suivants.
  3. Procès, t. IV, p. 12 ; t. V, p. 108 ; Wallon, t. I, p. 185.
  4. Procès, t. V, p. 107.
  5. Wallon, t. I, p. 246 et suiv.
  6. Un extrait échappé du 8° compte de Guillaume Chartier, alloue au maré-