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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/82

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SA GRANDE FORTUNE.

que l’écu valait en 1443, — atteignait au chiffre énorme de plus de quatre millions et demi. Pour démontrer que la fortune de Gilles de Rais était immense, et qu’il pouvait, sans donner dans les excès où il est tombé, s’entourer d’un luxe où peu d’hommes peuvent atteindre, il n’est donc pas nécessaire que ses héritiers soient entrés dans le détail de tous ses revenus. Cependant ses prodigalités et son luxe furent tels, que, bien loin de suffire à ses caprices, tant d’or ne fit qu’allumer sa soif, et que tout fut dévoré avec ses revenus, et ses biens meubles, et presque toutes ses propriétés foncières.

L’on a vu que, privé de son père à l’âge de douze ans, il demeura abandonné aux mains de Jean de Craon, en qui la faiblesse naturelle qu’il avait pour son petit-fils, était encore doublée de la faiblesse naturelle aux vieillards : « C’était un homme, dit le Mémoire des Héritiers, vieil et ancien, et de moult grant aage[1]. » « Séduit par la fausse cautelle et damnable convoitise de ses serviteurs », « poussé par les conseils et les exhortations de ceux qui étaient à l’entour de lui, et qui voulaient s’enrichir de ses biens », le jeune baron fut « gouverné et entretenu en telle manière par la fausseté, cautelle et malice de ses serviteurs[2]… qu’il prit le gouvernement et l’administracion de ses terres et seigneuries ; et dès lors en usa à son plaisir, sans prendre conseil de son aïeul, ne ne le croire plus en riens[3]. » L’immense fortune de Gilles lui fit tourner la tête ; mais elle fut surtout l’objet des convoitises de ces hommes intrigants qui ne font jamais défaut autour des grands et des riches. Nous avons vu déjà qu’après la chute de la maison de Penthièvre, et lors de l’entrée de Jean V dans la ville de Nantes, Gilles avait frappé tous les yeux par son luxe fastueux. S’il fût demeuré dans les bornes qui convenaient à sa naissance et à sa fortune, on lui eût pardonné cette grandeur ; mais l’envie qu’il avait de sur-

  1. Mémoire des Héritiers, fo 6, ro. — Lettres patentes de Charles VII, du 13 janvier 1446.
  2. Ibidem, Mémoire des Héritiers. — Lettres patentes de Charles VII,
  3. Ibidem, Mémoire des Héritiers.