Page:Bossert - Essais sur la littérature allemande, Série I, 1905.djvu/84

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préparatifs du mariage; lui-même commanda les anneaux. Mais voilà qu’il apprend qu’un de ses amis, le fils du pasteur Jérusalem, jeune homme distingué, dont Lessing publia plus tard les fragments philosophiques, s’est tué, à la suite d’une passion malheureuse pour la femme d’un secrétaire d’ambassade. Par une singulière coïncidence, le jeune Jérusalem avait emprunté à Kestner l’arme dont il s’était servi. Goethe, identifiant sa situation avec celle de son ami, s’imagina que cette arme aurait pu être dirigée contre lui-même : le plan du roman de Werther était donné.

Goetz de Berlichingen fut publié en 1773, et Werther l’année suivante. Ces deux ouvrages marquent une époque, non seulement dans la vie de Goethe, mais dans l’ensemble de la littérature allemande, l’époque tumultueuse qu’on a désignée par le nom de Sturm und Drang. Ils se ressentent des deux influences qui dominent cette période, celles de Shakespeare et de Rousseau. Goetz de Berlichingen est un drame chevaleresque, tiré, quant au fond, de la vieille chronique où le héros principal raconte lui-même ses exploits, mais exactement découpé sur le modèle des histoires du poète anglais. Sa pièce terminée, Goethe l’envoya à Herder, qui lui répondit : « Shakespeare vous a gâté. » Il reprit le manuscrit, supprima quelques épisodes, resserra l’action, châtia le style, adoucit les effets mélodramatiques. Mais le Goetz n’en fut pas mieux approprié