Page:Bossert - Essais sur la littérature allemande, Série I, 1905.djvu/85

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à la scène moderne, et l’auteur en fit plus tard un dernier remaniement pour le théâtre de Weimar. Aujourd’hui la pièce, dans ses formes successives, intéresse surtout par ce travail de correction et d’épuration que l’on peut y suivre et que le poète exerçait constamment sur lui-même. Le roman de Werther a été, au contraire, coulé d’un seul jet, et, tel qu’il est, il a gardé presque toute sa vérité. C’est d’abord la peinture du malaise dont souffrait le siècle, et qui tourmente toutes les époques de transition. Mais le contraste des deux caractères principaux, de l’homme positif et froid, se défiant des chimères et sachant faire tourner la réalité à son profit, et du songeur naïf, qui n’a que le tort de placer trop haut son idéal, ce contraste est de tous les temps. « Chaque homme, disait plus tard Goethe à Eckermann, doit avoir dans sa vie un instant où il s’imagine que Werther a été écrit pour lui seul. » Il y a, du reste, dans le roman, un sentiment de la nature qui est un trait de plus dans la peinture du héros, et qui dérive directement de Rousseau. Goetz et Werther provoquèrent une longue série d’imitations; le Werther amena un débordement de poésie sentimentale, auquel l’auteur lui-même se crut obligé d’opposer une digne en écrivant Le Triomphe du sentiment (1778). Dans la suite des ouvrages dramatiques de Goethe, Clavigo (1774) et Stella (1776) appartiennent encore à l’époque werthérienne. Clavigo, contre lequel Beaumarchais venait d’écrire