Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/196

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comme il se sentoit entraisné au vice par une force invincible, crut aisément que cette force estoit hors de luy, et s’en fit bientost un Dieu. C’est par là que l’amour impudique eût tant d’autels, et que des impuretez qui font horreur commencerent à estre meslées dans les sacrifices. La cruauté y entra en mesme temps. L’homme coupable, qui estoit troublé par le sentiment de son crime, et regardoit la divinité comme ennemie, crut ne pouvoir l’appaiser par les victimes ordinaires. Il fallut verser le sang humain avec celuy des bestes : une aveugle frayeur poussoit les peres à immoler leurs enfans, et à les brusler à leurs dieux au lieu d’encens. Ces sacrifices estoient communs dés le temps de Moïse, et ne faisoient qu’une partie de ces horribles iniquitez des amorrhéens, dont Dieu commit la vengeance aux israëlites.

Mais ils n’estoient pas particuliers à ces peuples. On sçait que dans tous les peuples du monde, sans en excepter aucun, les hommes ont sacrifié leurs semblables ; et il n’y a point eû d’endroit sur la terre où on n’ait servi de ces tristes et affreuses divinitez, dont la haine implacable pour le genre humain exigeoit de telles victimes. Au milieu de tant d’ignorances, l’homme vint à adorer jusqu’à l’oeuvre de ses mains. Il crut pouvoir renfermer l’esprit divin dans des statuës,