Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/197

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et il oublia si profondément que Dieu l’avoit fait, qu’il crut à son tour pouvoir faire un Dieu. Qui le pourroit croire, si l’experience ne nous faisoit voir qu’une erreur si stupide et si brutale n’estoit pas seulement la plus universelle, mais encore la plus enracinée et la plus incorrigible parmi les hommes ? Ainsi il faut reconnoistre, à la confusion du genre humain, que la premiere des veritez, celle que le monde presche, celle dont l’impression est la plus puissante, estoit la plus éloignée de la veûë des hommes. La tradition qui la conservoit dans leurs esprits, quoy-que claire encore, et assez presente, si on y eust esté attentif, estoit preste à s’évanoûïr : des fables prodigieuses et aussi pleines d’impieté que d’extravagance prenoient sa place. Le moment estoit venu où la verité mal gardée dans la memoire des hommes, ne pouvoit plus se conserver sans estre écrite ; et Dieu ayant résolu d’ailleurs de former son peuple à la vertu par des loix plus expresses et en plus grand nombre, il résolut en mesme temps de les donner par écrit. Moïse fut appellé à cét ouvrage. Ce grand homme recueïllit l’histoire des siecles passez ; celle d’Adam, celle de Noé, celle d’Abraham, celle d’Isaac, celle de Jacob, celle de Joseph, ou plûtost celle de Dieu mesme et de ses faits admirables. Il ne luy fallut pas déterrer de loin les traditions