Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/259

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La Grece toute polie et toute sage qu’elle estoit, avoit receû ces mysteres abominables. Dans les affaires pressantes, les particuliers et les républiques voûoient à Venus des courtisanes, et la Grece ne rougissoit pas d’attribuer son salut aux prieres qu’elles faisoient à leur déesse. Aprés la défaite de Xerxes et de ses formidables armées, on mit dans le temple un tableau où estoient representez leurs voeux et leurs processions avec cette inscription de Simonides poëte fameux : celles-cy ont prié la déesse Venus, qui pour l’amour d’elles a sauvé la Grece .

S’il falloit adorer l’amour, ce devoit estre du moins l’amour honneste : mais il n’en estoit pas ainsi. Solon, qui le pourroit croire, et qui attendroit d’un si grand nom une si grande infamie ? Solon, dis-je, établit à Athenes le temple de Venus la prostituée, ou de l’amour impudique. Toute la Grece estoit pleine de temples consacrez à ce dieu, et l’amour conjugal n’en avoit pas un dans tout le païs. Cependant ils détestoient l’adultere dans les hommes et dans les femmes : la societé conjugale estoit sacrée parmi eux. Mais quand ils s’appliquoient à la religion, ils paroissoient comme possedez par un esprit étranger, et leur lumiere naturelle les abandonnoit. La gravité romaine n’a pas traité la religion plus serieusement, puis qu’elle consacroit à l’honneur des dieux les impuretez du théatre et les