Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/369

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour le suivre. L’homme arraché à luy-mesme et à tout ce que sa corruption luy faisoit aimer, devient capable d’adorer Dieu et sa verité éternelle dont il veut doresnavant suivre les regles.

Là perissent et s’évanoûïssent toutes les idoles, et celles qu’on adoroit sur des autels, et celles que chacun servoit dans son coeur. Celles-cy avoient élevé les autres. On adoroit Venus, parce qu’on se laissoit dominer à l’amour, et qu’on en aimoit la puissance. Bacchus le plus enjoûé de tous les dieux avoit des autels, parce qu’on s’abandonnoit, et qu’on sacrifioit, pour ainsi dire, à la joye des sens plus douce et plus enyvrante que le vin. Jesus-Christ par le mystere de sa croix vient imprimer dans les coeurs l’amour des souffrances au lieu de l’amour des plaisirs. Les idoles qu’on adoroit au dehors furent dissipées, parce que celles qu’on adoroit au dedans ne subsistoient plus : le coeur purifié, comme dit Jesus-Christ luy-mesme, est rendu capable de voir Dieu ; et l’homme loin de faire Dieu semblable à soy, tasche plustost, autant que le peut souffrir son infirmité, à devenir semblable à Dieu. Le mystere de Jesus-Christ nous a fait voir comment la divinité pouvoit sans se ravilir estre unie à nostre nature, et se revestir de nos foiblesses. Le verbe s’est incarné : celuy qui avoit la forme et la nature de Dieu , sans perdre ce qu’il estoit, a pris la forme d’esclave . Inalterable en luy-mesme,