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Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/408

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fondement de la conduite publique et particuliere. C’estoit en verité à Esdras une merveilleuse entreprise, et bien nouvelle dans le monde, de faire parler en mesme temps avec Moïse tant d’hommes de caractere et de stile different, et chacun d’une maniere uniforme et toûjours semblable à elle-mesme ; et faire accroire tout à coup à tout un peuple que ce sont là les livres anciens qu’il a toûjours réverez, et les nouveaux qu’il a veû faire, comme s’il n’avoit jamais oûï parler de rien, et que la connoissance du temps present aussi-bien que celle du temps passé fust tout à coup abolie. Tels sont les prodiges qu’il faut croire, quand on ne veut pas croire les miracles du tout-puissant, ni recevoir le témoignage par lequel il est constant qu’on a dit à tout un grand peuple qu’il les avoit veûs de ses yeux.

Mais si ce peuple est revenu de Babylone dans la terre de ses peres si nouveau et si ignorant qu’à peine se souvinst-il qu’il eust esté, en sorte qu’il ait receû sans examiner tout ce qu’Esdras aura voulu luy donner : comment donc voyons-nous dans le livre qu’Esdras a écrit et dans celuy de Nehemias son contemporain, tout ce qu’on y dit des livres divins ? Avec quel front Esdras et Nehemias osent-ils parler de la loy de Moïse en tant d’endroits, et publiquement, comme d’une chose connuë de tout le monde, et que tout le monde avoit entre ses mains ?