Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/407

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ou que par divers changemens il en soit venu à n’avoir plus qu’une idée confuse de son origine, de sa religion, et de ses coustumes. Si ce malheur est arrivé au peuple juif, et que la loy si connuë sous Sedécias se soit perduë soixante ans aprés malgré les soins d’un Ezechiel, d’un Jéremie, d’un Baruch, d’un Daniel, sans compter les autres, et dans le temps que cette loy avoit ses martyrs comme le montrent les persécutions de Daniel et des trois enfans ; si, dis-je, cette sainte loy s’est perduë en si peu de temps, et demeure si profondément oubliée qu’il soit permis à Esdras de la rétablir à sa fantaisie : ce n’estoit pas le seul livre qu’il luy falloit fabriquer. Il luy falloit composer en mesme temps tous les prophetes anciens et nouveaux, c’est à dire, ceux qui avoient écrit et devant et durant la captivité ; ceux que le peuple avoit veû écrire, aussi-bien que ceux dont il conservoit la memoire ; et non seulement les prophetes, mais encore les livres de Salomon, et les pseaumes de David, et tous les livres d’histoire, puis qu’à peine se trouvera-t-il dans toute cette histoire un seul fait considerable, et dans tous ces autres livres un seul chapitre, qui détaché de Moïse tel que nous l’avons, puisse subsister un seul moment. Tout y parle de Moïse, tout y est fondé sur Moïse ; et la chose devoit estre ainsi, puis que Moïse et sa loy, et l’histoire qu’il a écrite estoit en effet dans le peuple juif tout le