Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/5

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qui les occupent, et tout semble y estre fait pour leur usage. Si l’experience leur est necessaire pour aquerir cette prudence qui fait bien regner, il n’est rien de plus utile à leur instruction que de joindre aux exemples des siécles passez les experiences qu’ils font tous les jours. Au lieu qu’ordinairement ils n’apprennent qu’aux dépens de leurs sujets et de leur propre gloire, à juger des affaires dangereuses qui leur arrivent : par le secours de l’histoire, ils forment leur jugement, sans rien hasarder, sur les évenemens passez. Lors qu’ils voyent jusqu’aux vices les plus cachez des princes, malgré les fausses loûanges qu’on leur donne pendant leur vie, exposez aux yeux de tous les hommes, ils ont honte de la vaine joye que leur cause la flaterie, et ils connoissent que la vraye gloire ne peut s’accorder qu’avec le merite.

D’ailleurs il seroit honteux, je ne dis pas à un prince, mais en général à tout honneste homme, d’ignorer le genre humain, et les changemens memorables que la suite des temps a faits dans le monde. Si on n’apprend de l’histoire à distinguer les temps, on representera les hommes sous la loy de nature, ou sous la loy écrite, tels qu’ils sont sous la loy evangelique ; on parlera des perses vaincus sous Alexandre, comme on parle des perses victorieux sous Cyrus ; on fera la Grece aussi libre du temps de Philippe que du temps de Themistocle,