Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/504

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gouvernement royal, elle avoit mesme sous ses rois une liberté qui ne convient gueres à une monarchie reglée. Car outre que les rois estoient électifs, et que l’élection s’en faisoit par tout le peuple, c’estoit encore au peuple assemblé à confirmer les loix, et à résoudre la paix ou la guerre. Il y avoit mesme des cas particuliers où les rois déferoient au peuple le jugement souverain : témoin Tullus Hostilius, qui n’osant ni condamner ni absoudre Horace comblé tout ensemble et d’honneur pour avoir vaincu les Curiaces, et de honte pour avoir tué sa soeur, le fit juger par le peuple. Ainsi les rois n’avoient proprement que le commandement des armées, et l’autorité de convoquer les assemblées legitimes, d’y proposer les affaires, de maintenir les loix, et d’exécuter les decrets publics. Quand Servius Tullius conceût le dessein que vous avez veû de réduire Rome en république, il augmenta dans un peuple déja si libre l’amour de la liberté ; et de là vous pouvez juger combien les romains en furent jaloux quand ils l’eûrent goustée toute entiere sous leurs consuls. On frémit encore en voyant dans les histoires la triste fermeté du consul Brutus, lors qu’il fit mourir à ses yeux ses deux enfans, qui s’estoient laissez entraisner aux sourdes pratiques que les Tarquins faisoient dans Rome pour y rétablir leur domination. Combien fut affermi dans l’amour de la liberté un peuple qui voyoit