Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/517

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Ce fut au plus triste estat de la république, lors que foible encore et dans sa naissance elle se vit tout ensemble et divisée au dedans par les tribuns, et pressée au dehors par les volsques que Coriolan irrité menoit contre sa patrie. Ces peuples toûjours batus par les romains espererent de se venger ayant à leur teste le plus grand homme de Rome, le plus entendu à la guerre, le plus liberal, le plus incompatible avec l’injustice ; mais le plus dur, le plus difficile, et le plus aigri. Ils vouloient se faire citoyens par force ; et aprés de grandes conquestes, maistres de la campagne et du païs, ils menaçoient de tout perdre si on n’accordoit leur demande. Rome n’avoit ni armée ni chefs ; et néanmoins dans ce triste estat, et pendant qu’elle avoit tout à craindre, on vit sortir tout à coup ce hardi decret du senat, qu’on periroit plustost que de rien ceder à l’ennemi armé, et qu’on luy accorderoit des conditions équitables, aprés qu’il auroit retiré ses armes.

La mere de Coriolan qui fut envoyée pour le fléchir, luy disoit entre autres raisons, ne connoissez-vous pas les romains ? Ne sçavez-vous pas, mon fils, que vous n’en aurez rien que par les prieres, et que vous n’en obtiendrez ni grande ni petite chose par la force ? le sévere Coriolan se laissa vaincre : il luy en cousta la vie, et les volsques choisirent d’autres généraux : mais le senat demeura ferme dans ses maximes, et le decret qu’il donna de