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Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/518

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ne rien accorder par force, passa pour une loy fondamentale de la politique romaine, dont il n’y a pas un seul exemple que les romains se soient départis dans tous les temps de la république. Parmi eux, dans les estats les plus tristes, jamais les foibles conseils n’ont esté seulement écoutez. Ils estoient toûjours plus traitables victorieux que vaincus : tant le senat sçavoit maintenir les anciennes maximes de la république, et tant il y sçavoit confirmer le reste des citoyens.

De ce mesme esprit sont sorties les résolutions prises tant de fois dans le senat, de vaincre les ennemis par la force ouverte, sans y employer les ruses ou les artifices, mesme ceux qui sont permis à la guerre : ce que le senat ne faisoit ni par un faux point d’honneur, ni pour avoir ignoré les loix de la guerre ; mais parce qu’il ne jugeoit rien de plus efficace pour abbatre un ennemi orgueïlleux que de luy oster toute l’opinion qu’il pourroit avoir de ses forces, afin que vaincu jusques dans le coeur, il ne vist plus de salut que dans la clemence du vainqueur. C’est ainsi que s’établit par toute la terre cette haute opinion des armes romaines. La croyance répanduë par tout que rien ne leur résistoit, faisoit tomber les armes des mains à leurs ennemis, et donnoit à leurs alliez un invincible secours. Vous voyez ce que fait dans toute l’Europe une semblable opinion des armes françoises ; et le