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Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/523

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naistre dans tous les païs des esprits et des courages élevez, mais il faut luy aider à les former. Ce qui les forme, ce qui les acheve, ce sont des sentimens forts et de nobles impressions qui se répandent dans tous les esprits, et passent insensiblement de l’un à l’autre. Qu’est-ce qui rend nostre noblesse si fiere dans les combats, et si hardie dans les entreprises ? C’est l’opinion receûë dés l’enfance, et établie par le sentiment unanime de la nation, qu’un gentilhomme sans coeur se dégrade luy-mesme, et n’est plus digne de voir le jour. Tous les romains estoient nourris dans ces sentimens, et le peuple disputoit avec la noblesse à qui agiroit le plus par ces vigoureuses maximes. Durant les bons temps de Rome, l’enfance mesme estoit exercée par les travaux : on n’y entendoit parler d’autre chose que de la grandeur du nom romain. Il falloit aller à la guerre quand la république l’ordonnoit, et là travailler sans cesse, camper hiver et esté, obéïr sans résistance, mourir ou vaincre. Les peres qui n’élevoient pas leurs enfans dans ces maximes, et comme il falloit pour les rendre capables de servir l’estat, estoient appellez en justice par les magistrats, et jugez coupables d’un attentat envers le public. Quand on a commencé à prendre ce train, les grands hommes se font les uns les autres : et si Rome en a plus porté qu’aucune autre ville qui eust esté avant elle, ce n’a point esté par hasard ; mais