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Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/531

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en proche ; s’affermir avant que de s’étendre ; ne se point charger de trop d’affaires ; dissimuler quelque temps, et se déclarer à propos ; attendre qu’Annibal fust vaincu pour desarmer Philippe roy de Macedoine qui l’avoit favorisé ; aprés avoir commencé l’affaire, n’estre jamais las ni contens jusqu’à ce que tout fust fait ; ne laisser aux macedoniens aucun moment pour se reconnoistre ; et aprés les avoir vaincus, rendre par un decret public à la Grece si long-temps captive, la liberté à laquelle elle ne pensoit plus ; par ce moyen répandre d’un costé la terreur, et de l’autre la véneration de leur nom : c’en estoit assez pour conclure que les romains ne s’avançoient pas à la conqueste du monde par hasard, mais par conduite.

C’est ce qu’a veû Polybe dans le temps des progrés de Rome. Denis d’Halicarnasse qui a écrit aprés l’établissement de l’empire et du temps d’Auguste, a conclu la mesme chose, en reprenant dés leur origine les anciennes institutions de la république romaine, si propres de leur nature à former un peuple invincible et dominant. Vous en avez assez veû pour entrer dans les sentimens de ces sages historiens, et pour condamner Plutarque, qui toûjours trop passionné pour ses grecs, attribuë à la seule fortune la grandeur romaine, et à la seule vertu celle d’Alexandre. Mais plus ces historiens font voir de dessein dans les conquestes de Rome, plus ils y montrent