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Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/533

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un dieu venu au monde pour pacifier toutes choses, n’a pû inspirer la charité et la paix. Mais que servent les meilleures institutions, quand enfin elles dégénerent en pures cérémonies ? La douceur de vaincre et de dominer corrompit bientost dans les romains ce que l’équité naturelle leur avoit donné de droiture. Les déliberations des féciaux ne furent plus parmi eux qu’une formalité inutile ; et encore qu’ils exerçassent envers leurs plus grands ennemis des actions de grande équité, et mesme de grande clemence, l’ambition ne permettoit pas à la justice de regner dans leurs conseils. Au reste leurs injustices estoient d’autant plus dangereuses, qu’ils sçavoient mieux les couvrir du prétexte specieux de l’équité, et qu’ils mettoient sous le joug insensiblement les rois et les nations sous couleur de les proteger et de les défendre.

Ajoustons encore qu’ils estoient cruels à ceux qui leur résistoient : autre qualité assez naturelle aux conquerans, qui sçavent que l’épouvante fait plus de la moitié des conquestes. Faut-il dominer à ce prix ; et le commandement est-il si doux, que les hommes le veuïllent acheter par des actions si inhumaines ? Les romains, pour répandre par tout la terreur, affectoient de laisser dans les villes prises des spectacles terribles de cruauté, et de paroistre impitoyables à qui attendoit la force, sans mesme épargner les rois