Page:Bossuet - Discours sur l’Histoire universelle, 1681.djvu/539

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conservée non seulement sous les rois, mais encore dans la république. C’estoit parmi les patriciens qu’on prenoit toûjours les senateurs. Aux patriciens appartenoient les emplois, les commandemens, les dignitez, mesme celle du sacerdoce ; et les peres qui avoient esté les auteurs de la liberté, n’abandonnerent pas leurs prérogatives. Mais la jalousie se mit bientost entre les deux ordres. Car je n’ay pas besoin de parler icy des chevaliers romains, troisiéme ordre comme mitoyen entre les patriciens et le simple peuple, qui prenoit tantost un parti et tantost l’autre. Ce fut donc entre ces deux ordres que se mit la jalousie : elle se réveilloit en diverses occasions ; mais la cause profonde qui l’entretenoit estoit l’amour de la liberté. La maxime fondamentale de la république estoit de regarder la liberté comme une chose inseparable du nom romain. Un peuple nourri dans cét esprit ; disons plus, un peuple qui se croyoit né pour commander aux autres peuples, et que Virgile pour cette raison appelle si noblement un peuple-roy, ne vouloit recevoir de loy que de luy-mesme.

L’autorité du senat estoit jugée necessaire pour moderer les conseils publics, qui sans ce temperament eussent esté trop tumultueux. Mais au fond, c’estoit au peuple à donner les commandemens, à établir les loix, à décider de la paix et de la guerre. Un peuple qui joûïssoit des droits