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Page:Botrel - Chansons de route, 1915.djvu/19

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TROIS AUDITOIRES DE BOTREL


Dunkerque a reçu en même temps la visite des Taubes et celle du « Chansonnier aux Armées », Théodore Botrel. Celui-ci a fait oublier ceux-là. L’auteur de la célèbre chanson La Paimpolaise, qui est aussi parmi les plus délicats et les plus sensibles des poètes inspirés par la Bretagne, a accompli, avec un élan persévérant, une chaleur convaincue, la mission que lui a donnée le ministre de la Guerre, d’aller dans la zone des Armées chanter devant les soldats qui partent pour le front ou qui en reviennent, son répertoire patriotique.

Chanter… alors que tant d’autres gémissent ! J’avoue que l’énoncé de ce programme m’avait jeté comme un froid lorsque arriva le poète populaire. Il faut avoir vu de près ceux qui, au front, sont aux prises avec la plus formidable des réalités, pour sentir l’abîme qui sépare leurs gestes quotidiens de toute vaine littérature. Que peut une chanson sur des âmes tendues par un effort dont la raison mystérieuse est dans les profondeurs de l’instinct de la race ?… Parler d’Honneur et de Patrie, d’Héroïsme et de Gloire à des hommes pantelants encore des souffrances endurées aux combats de la veille, résolus en eux-mêmes à y retourner et à lutter jusqu’au bout, n’est-ce pas comme une indiscrétion ? Ne risque-t-on pas de froisser des sentiments sacrés qui ne veulent se traduire que par des actes ou bien de faire monter