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LA ROUTE




Le corps et le cœur en lambeaux,
Les pieds saignants dans mes sabots,
Je suis tombé sur la grand’Route ;
Et, le front sur le dur granit,
Plein d’un désespoir infini,
J’ai dit au grand chemin :

                               « Écoute !
« Tu sais bien que je t’appartiens :
Pour Toi j’ai quitté tous les miens,
Mes amis et ma vieille mère ;
Tu m’appelais : Je t’ai suivi,
Le nez au vent, le cœur ravi,
L’esprit hanté par la Chimère…

Route immense qu’avec effort
Arpentent les Races humaines,
Est-ce à la Vie, est-ce à la Mort

Que tu nous mènes ?


« On m’avait dit : Presse le pas,
Le Bonheur est là-bas, là-bas,
Au bout de la grand’Route blanche !
On m’avait dit : Tu souffriras !
Va toujours ! et tu goûteras
Bien mieux l’orgueil de la Revanche !
Et puis l’on m’avait dit encor :
La Nuit, va vers l’Étoile d’or,