Page:Botrel - Contes du lit-clos, 1912.djvu/252

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Oh ! la bonne Chanson qui monte des bolées !
Elle a tous les orgueils et toutes les douceurs :
C’est la mâle Chanson qui montait des mêlées
Quand le Breton luttait contre ses Oppresseurs ;

Ce n’est pas la Chanson — que nous n’entendons guère —
Qui vient du fruit ambré découvert par Noë,
C’est la rude Chanson que l’on clame à la Guerre :
La Chanson de Grallon et de Nominoë !

Lorsque le cidre bout, penchez-vous sur la tonne
Vous entendrez hurler le Bagaude et l’Alain ;
Penchez-vous plus encor : c’est une voix qui tonne
Notre-Dame-Guesclin ! Notre-Dame-Guesclin !

Puis la Voix s’attendrit… et ce sont les vieux Bardes
Qui disent leurs Gwerzious, leurs Sônes amoureux
Tout au lointain voici les binious, les bombardes,
Puis la Voix s’attendrit encore… et c’est Brizeux

C’est l’exquise Chanson, la Chanson de Marie,
De la Fleur-de-Blé-Noir douce comme le miel !…
Oui, le Cidre, Bretons ! nous parle de Patrie,
Et nous parle d’Amour, et nous parle du Ciel !

Écoutons la Chanson de la bonne Récolte
Et non pas la Chanson qui vient de l’Eau-de-Feu :
L’une est un chant d’Amour, l’autre un chant de Révolte
Qui nous vient de Satan quand l’autre vient de Dieu ;

L’une nous réconforte et l’autre nous terrasse !…
Prenons garde, Bretons ! Nos Aïeux triomphants
Nous maudiront d’avoir abâtardi leur Race,
Et nous serons maudits encor par nos enfants !