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Page:Boué -Le Roi des aventuriers, 1932.djvu/46

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« Tout va bien, pensa le gentilhomme-cambrioleur ; il me prend pour le véritable d’Arsac. J’ai donc bien travaillé. Continuons à jouer notre rôle et imitons maintenant l’accent si particulier de notre Gascon. »

Et il s’écria :

— Mordious ! mon cher comte ! nous partagerons ce bonheur à deux et, par les cornes du diable, j’en prendrai une large part. Permettez-moi de vous présenter un mien ami, le vicomte Léon de Sauvan.

Et Legay présenta Léon Sauvage, à qui le comte de Beaulieu fit le meilleur accueil. Puis l’on passa dans le salon et enfin dans la salle à manger où le dîner allait être servi.

Le repas fut des plus gais et le gentilhomme-cambrioleur put se rendre compte qu’il jouait son rôle dans la perfection. Il avait d’ailleurs vu naguère à maintes reprises le chevalier d’Arsac et, grâce à son don d’assimilation vraiment étonnant, il connaissait son homme sur le bout des doigts et l’imitait d’une façon inimitable, disons le mot. Nous l’avons dit, Legay était un homme-protée. Cependant, notre aventurier ne put réprimer un frémissement lorsque, au cours de la conversation, le comte de Beaulieu fit mention d’une lettre d’invitation qu’il avait adressée quelque temps auparavant.

Le chevalier d’Arsac avait donc reçu une missive ! S’il allait y répondre ou arriver un beau matin au château de Beaulieu !

« Il sera prudent de ne pas perdre de temps, pensa Legay, et d’agir au plus vite. »

Le comte de Beaulieu ordonna que des appartements fussent mis à la disposition du prétendu chevalier et de son compagnon. Par une heureuse coïncidence, ces appartements étaient voisins.

Vers dix heures du soir, Marcel Legay et Léon Sauvage prirent congé de leur hôte et se retirèrent dans leurs chambres.

— Sois prêt à 11 heures, chuchota le gentilhomme-cambrioleur à l’oreille de son ami en le quittant.

À 11 heures sonnantes, Legay, s’étant armé d’une lampe électrique de poche qui faisait partie de son attirail, se faufila dans les ténèbres du château. Sauvage l’attendait.

— Le moment d’agir est venu, dit Legay. Es-tu armé ?

— Oui.

— Bien. Suis-moi. Il s’agit de trouver l’entrée du fameux souterrain.

À la lueur de sa lampe, il relut la traduction du mystérieux manuscrit :

« Entrée du souterrain par le château. »

« Vous soulèverez le bras du Christ de la salle des gardes ».

— Il faut donc, avant tout, remarqua Legay, trouver cette fameuse salle des gardes qui, comme tous les anciens châteaux, est une des pièces les plus spacieuses du manoir. Cherchons.

Au moyen d’une pince-monseigneur, il ouvrait les portes, puis il avançait à pas de loup, parcourait les chambres silencieuses et désertes, suivi de son compagnon.

Enfin, tous deux arrivèrent dans une salle haute et spacieuse ornée de panoplies.

— Regarde ! dit Legay en élevant la main.

Et il montrait un Christ de cuivre massif qui, encastré dans le mur, dominait l’âtre.

Legay monta sur un siège et atteignit le Christ. Il essaya vainement de faire mouvoir le bras droit, mais le bras gauche oscilla sous son effort. Et soudain un déclic sourd se fit entendre.

Au même instant tout un pan de mur s’ouvrit, découvrant un passage secret dissimulé dans l’épaisseur de la muraille.

— Tout va bien ! murmura Sauvage.

Dans l’ouverture béante, un escalier lui apparut, escalier en spirale qui s’enfonçait dans les ténèbres humides.

Sans hésitation, Legay descendit, toujours suivi par Sauvage.