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Page:Boué -Le Roi des aventuriers, 1932.djvu/5

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Feuilleton du COURRIER DE SION
— 3

M. Corbier, d’abord étourdi et ébloui par la clarté d’un réverbère, tourna la tête autour de lui, cherchant à reconnaître l’endroit où il se trouvait.

Il reconnut la rue de Clignancourt. L’impasse où il habitait était à quelques pas.

Tout frémissant encore du souvenir des étranges événements auxquels il venait d’assister, il rentra chez lui.


La mort rôde dans l’ombre.


Depuis cette nuit néfaste, M. Corbier se sentait assailli par les remords. Sa femme, remarquant le changement soudain qui s’était opéré en lui et son perpétuel état de surexcitation, ne cessait de le questionner sur la cause du mal mystérieux qui semblait le ronger.

N’y pouvant plus tenir, il lui avoua tout. D’accord avec elle, il se décida à faire une déposition au bureau de police. Le commissaire prit note de ses déclarations et lui demanda des renseignements complémentaires.

Mais le maître-maçon était dans l’impossibilité de fournir le moindre indice, d’indiquer la moindre piste. L’auto dans laquelle il avait été enfermé, les yeux bandés, avait décrit dans les rues les méandres les plus désordonnés, dans le but de désorienter l’ouvrier. Ensuite, celui-ci n’avait pas vu l’extérieur de la maison dans laquelle on l’avait fait pénétrer. Dans ces conditions, il devenait presque impossible de retrouver la mystérieuse habitation où vraisemblablement s’était déroulé un drame atroce. Toutefois les plus fins limiers de la police se mirent en campagne sur les vagues indices de M. Corbier.

On présumait que la maison tragique devait être située non loin de l’habitation de M. Corbier. Plusieurs remarques judicieuses corroboraient cette hypothèse : tout d’abord, les trop nombreux détours de l’automobile prouvaient que les mystérieux inconnus craignaient que le maître-maçon ne s’orientât et reconnut l’endroit où on le conduisait, crainte qui n’eût pas été fondée si M. Corbier eût été conduit dans un quartier inconnu de lui ou trop éloigné. Autre raison : si à cette heure tardive les meurtriers présumés avaient précisément choisi M. Corbier pour lui faire effectuer un travail de confiance, c’était vraisemblablement parce qu’il habitait le même quartier qu’eux et que, en s’adressant à lui ils ne perdaient pas un temps précieux.

Ces hypothèses éliminatoires restreignaient dès lors le champ d’investigations des policiers dont le cercle des recherches se limite d’abord aux artères voisines de la rue de Clignancourt.

M. Corbier avait déclaré que les chambres où il avait été introduit n’étaient point meublées et que les fenêtres n’étaient point garnies de rideaux. On présuma donc que la maison du crime était inhabitée, et l’on visita toutes les habitations non occupées.

Mais, contrairement à ces prévisions, toutes les recherches de la police restèrent sans résultat. On émit des doutes sur les déclarations du maître-maçon et, à la suite d’un ordre venu de haut lieu, l’affaire fut classée, ce qui en termes judiciaires signifie : « tenue en suspens » et en simple bon français « oubliée ».

Quant à M. Corbier, depuis le jour où il avait signé sa déposition, il avait recouvré son calme et la paix intérieure. Mais bientôt des événements imprévus firent renaître toutes ses appréhensions.

Un jour qu’il venait de pénétrer au rez-de-chaussée d’une maison en construction où son travail l’appelait il remarqua, en levant les