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DES SAVANTS

professeur de sciences naturelles eut l’idée de nourrir des poules avec je ne sais quoi, afin d’établir ce qu’il en résulterait pour les œufs. Le résultat fut sensationnel : les œufs étaient pleins d’eau. L’excellente poire était sur le point d’accoucher d’une conférence publique quand son garçon de laboratoire effrayé avoua qu’il gobait les œufs et substituait à leur contenu naturel de la bonne eau bien filtrée.

La seconde histoire fit naguère rire à nos dépens le monde entier. Qu’un professeur éminent soit le jouet de son garçon de laboratoire, c’est comique ; qu’il se forme un véritable parti pour le défendre et même pour défendre qu’on ne publie des résultats contradictoires, c’est triste. Que pour faire éclater la fraude il devienne nécessaire d’avoirs recours à ce qu’un honnête homme appelle un abus de confiante, ne pouve pas chez les savants une moralité bien haute.

J’évoque cette histoire qui rendit tant de gens ridicules, parce qu’elle contient de multiples enseignements. Elle montre comment des hommes de valeur, victimes de leur précipitation, s’obstinent dans leur erreur, ne voulant pas avouer qu’ils ont été dupes, s’imaginant qu’à force d’affirmer qu’un phénomène existe, ils finiront par le créer.

En 1903, B., professeur à Nancy, annonça la découverte de rayons nouveaux traversant certains corps opaques (le carlin, le bois, l’aluminium...), absorbés par d’autres (le plomb, leau, le sel gemme), se propageant comme la lumière ordinaire avec un indice peu supérieur à l’unité, et jouissant en particulier de la propriété d’augmenter l’éclat d’une étincelle ou la phosphorescence du sulfure de calcium. Absolument rien n’empêchait ces rayons d’exister ; on était cependant en droit de s’étonner qu’on eût mis si longtemps à les découvrir ; c’est le cas de rappeler le mot célèbre de Mac-Mahon (mot dont je suis loin d’affirmer l’authenticité) : « Si c’était vrai, ça se saurait ! » disait-il à quelqu’un qui lui montrait le château d’Avignon comme avant servi de demeure aux papes.

Quoi qu’il en soit, sitôt connues les premières expériences de B., une foule de savants français les confirment et publient des notes sensationnelles qui augmentent tous les iours le catalogue des merveilleuses propriétés de ces fameux rayons N.

L’organisme émet des rayon N ; ils agissent sur les centres nerveux ; ils accroissent l’acuitéwisuelle. Ils sont produits par les végétaux, les ferments solubles. Les limes, qui en émettent beaucoup, sont anesthésiées par le chloroforme. On polarise circulairement les rayons N, les corps vibrants en émettent des quantités. Le champ magnétique agit sur l’émission ; les rayons N ont des applications chimiques, etc., etc., etc…… C’est un troupeau de physiciens ou naturalistes français qui non seulement reconnaissent l’existence des
 rayons N, mais les parent des plus épastrouillantes qualités.

Première constatation bien suggestive : les contrôles affirmatifs sont dus à des Français ; les étrangers (à l’exception des spirites)