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DES SAVANTS

Moi qui suis débonnaire, je réplique parfois : « Mais mon cher collègue, si vous y pensiez tant que cela, pourquoi diable ne le faisiez-vous pas ? » Je n’en suis pas moins tapé, mais j’ai la consolation de ne pas être une poire.

Une méthode fort recommandable est de dépouiller les vieilles collections. J’éprouve une sensation de douloureux effarement quand je plonge dans ces vieux bouquins : tant de travail pour tant d’oubli !…

Profitons de cet oubli ! Rhabillons à la moderne les expériences oubliées, gardons-nous d’indiquer les sources : ce serait de la malchance si l’on découvrait notre plagiat, ou si le découvrant on nous faisait l’affront de le publier.

La république des camarades ne tolère pas ces mœurs rigides.

Autre méthode à l’usage des pontifes. Le débutant leur soumet une idée, un théorème… Ils ne sont pas chiches d’éloges, présentent la note à l’institut… en y joignant des remarques de leur cru, une vague généralisation, un léger perfectionnement ;… le tour est joué : ils ont tout fait.

À propos de tapeurs, j’eus l’occasion de donner une bonne leçon à feu l’un de mes collègues. Il me conduit dans son laboratoire pour me faire admirer un appareil où se produisait je ne sais que] gaz détonant. Pour toute personne ayant deux liards de science et de bon sens, une explosion était inévitable quand on ouvrirait un certain robinet.

Mais je connais les savants : un danger est-il-à craindre, ce n’est pas eux, c’est le garçon de laboratoire qui ouvre les robinets. Je pris donc à part le garçon et lui fis mes recommandations qu’il se tînt de telle et telle manière en ouvrant le robinet, et qu’il ne prévînt son maître que si par le plus grand des hasards il faisait lui-même la mise en marche.

Tout se passa comme je l’avais prévu. Au moment de la mise en marche, le professeur se terra dans son cabinet ; le garçon prit les précautions indiquées, tourna le robinet… et l’appareil sauta jusqu’au plafond. Tout tremblant, le collègue revint m’annoncer le désastre. « Monsieur, lui répondis-je, il était prévu. Demandez au garçon ! »

Et le collègue sortit, la queue basse.

Détail hilarant : sitôt l’explosion, le professeur s’était précipité dans son laboratoire, reprochant vivement au garçon l’imprudence qu’il avait commise. L’autre se contenta de sourire.


L’appât d’une découverte sensationnelle a pourtant ses dangers accrus par l’ineffable crédulité qui est la plus curieuse caractéristique du savant. Les histoires à ce propos abondent.

La suivante amusa jadis les facultés toulousaines. Je ne sais quel