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DES SAVANTS

Je donnerais bien deux sous (papier) pour voir la tôle de mon honorable correspondant. Je ne puis lui dire d’une façon plus… aimable ce que je pense de ces hommes qui énoncent par hasard quelques propositions justes, mais se gardent bien de pousser leur polémique pour ne pas indisposer les gens dont ils attendent honneurs et profits.

Il y a des cas où l’on ferait beaucoup mieux de ne pas réclamer certaines priorités ; à ce qu’on vous les reconnaisse, je ne trouve vraiment rien de flatteur.

Sans parler des Frederick II au petit pied que gênent leurs Anti-Machiavels !


Un des vices les plus graves de notre organisation scientifique actuelle, qui porte à notre enseignement un préjudice énorme, est la quantité de badernes qui jusqu’à leur dernier soupir encombrent la circulation et barrent le chemin. Ils sont vieux, quelques-uns n’ont pas été constamment gâteux ; je ne demande pas qu’on les jette à l’eau une bonne pierre au col pour abréger leurs souffrances. Mais à leur usage je transcris une page de l’abbé Ledieu que malheureusement ils ne liront pas. Je leur fais beaucoup d’honneur puisqu’il s’agit de la sénilité d’un grand homme.

« Chacun a remarqué cette suite d’actions de M. de M’eaux pour se montrer et faire sa cour : son livre présenté au roi et l’audience qu’il en eut le 12 de ce mois (août 1703) ; sa visite au père La Chaise le même jour au soir ; son assistance à la procession où il donna le triste spectacle qui affligea ses amis, le fit plaindre par les indifférents et moquer par les vieux de la cour. Courage, M. de Meaux, lui disait Madame le long du chemin ; nous en viendrons à bout. D’autres : Ah ! le pauvre M. de Meaux. D’autres : Il s’en est bien tiré ! Le plus grand nombre : Que ne s’en va-t-il mourir chez lui. Mais il veut auparavant placer son neveu et faire un dernier effort. M. d’Amiens qui est tant des amis de M. de Meaux a fait à M. Fleury la confidence que ce bruit se répand ici sourdement : Quelle misère qu’un homme si sage, si admiré actuellement à cause de son livre, si admirable par tous les grands talents qu’il a fait briller dans sa vie, devienne l’entretien d’un courtisan malin, faute de savoir prendre son parti et d’aller se préparer chez soi à la mort dans la retraite. Qu’il finisse donc son affaire de l’évêché de Meaux et que Dieu l’inspire bien sur le parti unique qu’il est obligé de prendre pour l’édification publique et sa gloire. »

Quand le savant est définitivement vidé, qu’il est même incapable de mettre en œuvre les divers procédés de tapage que j’ai ci-dessus catalogués, il entre dans les commissions et comités consultatifs ; il court à droite et à gauche s’asseoir autour d’une table avec une collection d’outres aussi vides que lui. Du matin au soir on le voit