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Les bonnes gens sont tentés d’accorder au savant toutes les vertus intellectuelles et morales. Qu’il n’en est rien est une vérité trop évidente pour qu’il soit utile d’insister. Mais il vaut la peine de préciser la nature et la cause de ce qu’on peut généralement reprocher au savant. Ce n’est pas la malice qui me pousse à cet examen : si nous heurtons tant d’écueils pour obtenir la moindre réforme pédagogique, il faut s’en prendre aux imperfections de ces intellectuels, si médiocrement intelligents pour la plupart. Ce sont des spécialistes, et comme chez tous les gens de cette espèce, la hiérarchie des valeurs est faussée. Ce sont des snobs accomplis, à prendre la définition qui fait du snobisme l’admiration basse pour des choses petites.

Qu’importent, il est vrai, les réformes pédagogiques ? N’avons-nous pas récemment lu dans un journal qu’un haut personnage interviewé se défendait comme d’une honte d’être compté parmi les réformateurs ? Quieta non movere, telle est leur devise.

Ce n’est pas la mienne ; comme personne n’est tenu de lire mes livres, pas davantage de les publier, vous trouverez bon que je me pare du titre de réformateur et que j’agisse en conséquence.

Qui veut la fin, veut les moyens !

Mes livres sont assez utiles pour que j’aie toujours, et sans peine, des éditeurs et des lecteurs.

Si les Français n’en veulent pas, l’étranger est là pour un coup.


Il est naturel que l’homme dont le métier est de raisonner du matin au soir finisse par attribuer au raisonnement in abstracto une valeur excessive. Un physicien se persuade aisément que le summum de l’intelligence est de développer une théorie ; le petit jeu de la déduction à perte de vue lui apparaît comme la fin suprême. Il croit que c’est arrivé, et le moulin de sa cervelle, tournant à vide, lui semble une admirable machine.