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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/322

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tournée vers le chenal qui sépare l’île d’Orléans de la côte nord du fleuve.

La nuit venait.

Après avoir regardé s’éloigner pendant quelques minutes l’homme et le canot, un des pêcheurs dit à son compagnon :

— Vraiment, il faut que celui qui s’aventure ainsi en canot d’écorce sur cette mer démontée aime mieux être mort que vivant !

— Ce doit être un de ces coureurs de bois ; de ces gens qui n’ont peur de rien, répondit l’autre. L’as-tu regardé ?

— Un peu. C’est un grand jeune homme maigre. Ses cheveux sont blonds et il est entièrement vêtu de peaux.

— C’est justement cela ! C’est un coureur de bois ! Mais, coureur de bois tant que tu voudras, il faut qu’il soit fou pour risquer sa peau sur le fleuve par un temps pareil, et dans un canot d’écorce, encore !

— Ou bien, comme je le disais tantôt, repartit celui qui avait parlé le premier, qu’il aime mieux être mort qu’en vie.

Le jour baissait rapidement. Le canot, poussé par un bras vigoureux, achevait de traverser l’estuaire de la rivière Saint-Charles. Tantôt porté au sommet de quelque vague énorme, l’instant d’après il disparaissait derrière cette même vague ; et les deux pêcheurs ne le revoyaient que quelques centaines de brasses plus loin, soulevé par une autre vague, encore plus grosse que la première.

Au bout de quelques instants, la nuit fut presque complète. Le canot était déjà rendu si loin, que les