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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/55

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sa bouche, il en prit une gorgée, qu’il rejeta aussitôt en faisant une grimace et en s’exclamant :

— Pouah !… Où est le chrétien capable de boire une saumure pareille, et de trouver cela bon ?… Puis, se retournant vers Ohquouéouée, il dit en algonquin, car, dans sa surprise et son dégoût, il avait parlé français, oubliant qu’elle ne pouvait pas le comprendre : Goûte-moi donc cela, Ohquouéouée, et dis-moi si ce n’est pas répugnant ?

L’Indienne, à son tour, plongea ses mains dans la source et, les relevant pleines d’eau, en but le contenu sans sourciller. Elle répéta l’opération plusieurs fois, puis, se retournant vers Roger qui la regardait faire tout étonné, elle dit en souriant :

— Il faut être habitué à cette eau pour la trouver bonne. La première fois qu’on y goûte on la trouve toujours détestable.

— Tu y es donc habituée, toi, que tu parais la boire avec plaisir ?

— Près de la cabane de mon père, fit Ohquouéouée, dont le visage prit l’empreinte de la tristesse au souvenir de son père et de son village, il y a une source semblable à celle-ci, à laquelle tout le village vient boire. Un peu plus loin, l’eau qui s’en écoule forme un petit étang, dans lequel nous nous baignions, quand j’étais au village de ma tribu !

— Ces sources d’eau salée ne sont donc pas rares ?

— Elles ne sont pas rares, en effet, car j’en connais une autre, juste de l’autre côté de la Grande-Rivière.

Ohquouéouée raconta alors à Roger que, l’automne précédent, alors que les Algonquins l’emme-