Page:Bouchaud - La France éternelle, 1918.djvu/23

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Leur sourire allumait en vous de brusques flammes,
Et le désir faisait chanceler vos genoux.

Vous rêviez d’industrie et de vaste négoce
Ou de suivre, au domaine infini des pensers,
Quelque sentier nouveau, pionniers jamais lassés,
Indifférents au guet de la haine féroce.

Vous ignoriez le poids et l’usure des jours,
Car vos sveltes vigueurs se riaient de la tare
Du mal sournois qui ronge, atrophie ou dépare,
Et le Temps n’osait pas vous meurtrir dans son cours.

Ô phalange fauchée en pleine adolescence,
Vous êtes morte, et sans savoir ce qu’est la mort,
Sur le seuil de la vie ouvrant les portes d’or
De l’avenir sans borne en sa munificence.

Vous récoltez d’un coup toute l’ample moisson
Des bonheurs que, sema pour vous la Destinée,
Chers jeunes disparus de la vingtième année
Dont la gloire devient l’éternel échanson ;

Vous qui n’avez souffert dans la chair et dans l’âme
D’aucune lassitude et d’aucuns vils dégoûts,
Et qui, cueillant les mois ainsi que des fruits doux
Suiviez la joie au loin comme un bel oriflamme…