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Page:Boucher de Perthes - De la misère.djvu/43

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quart de celle du mari. Si ce mari, comme on n’en voit que trop, ne rapporte chez lui que la moindre partie de son gain, ce qui reste à la femme pour sa nourriture et celle de ses enfans est souvent si minime, qu’il est presqu’impossible de concevoir comment il peut suffire ; pourtant si elle ne partage pas les penchans de l’époux, si elle-même est économe, elle en vivra et fera vivre sa famille ; c’est l’ordre aux prises avec l’inconduite : ici la femme est vraiment admirable.

Abandonnée à elle-même, à ses seuls efforts, quoiqu’elle ait en elle moins de ressources que l’homme et moins de moyens de gagner, la femme restera rarement dans un dénuement absolu. Pour que cela arrive, il faut qu’elle soit infirme. Dans une colonie qui ne serait composée que de femmes, il n’y aurait probablement ni pauvres ni mendians.

D’où vient ceci, puisque la balance est contraire aux femmes, partout plus faibles, moins aptes à travailler, ou plus sujettes à des indispositions qui leur en ôtent le moyen ? C’est que les femmes ont plus de mesure et d’arrangement que les hommes ; qu’elles aiment non-seulement l’ordre sur elles, mais dans tout ce qui les entoure ; c’est qu’enfin moins entraînées par les passions ou y cédant moins fréquemment, elles ont plus de prévoyance. Ce dernier point surtout est caractéristique, et l’on a remarqué qu’il n’y a pas de femme vivant isolée, quelque pauvre qu’elle soit, chez qui, à un certain âge, on ne trouve quelque chose en réserve ; et cela dans tous les pays du monde.

Les vices qui apportent la misère aux femmes sont ordinairement ceux des hommes ; c’est par eux qu’elles deviennent misérables, et cela aussi dans toutes les classes. Une femme dépouillée l’est toujours par son mari ou son amant ou son frère ou ses enfans, souvent même par des étrangers, des inconnus. Si elle se ruine elle-même, c’est à l’imitation des hommes et pour avoir fait comme eux.